Depuis maintenant 10 ans, il n’est pas un livre de management ou de sociologie du travail qui ne fasse mention de l’émergence d’une nouvelle « typologie » de salariés ; la « why » generation (ou génération Y) arrive en masse en entreprise… et suscite une forme de perplexité pour l’employeur.

Cette génération Y (née après 1975) a grandi dans un univers de technologies de plus en plus mobiles et caractérisés par une évolution extrêmement rapide, le tout dans un contexte économique alternant des phases d’hyper croissance avec des éclatements de bulles, générateurs de ralentissements soudains. La « why generation » a vécu, certes indirectement, les conséquences économiques de l’accélération des cycles, avec son cortège de réorganisations et de restructurations (i.e. licenciements). Elle a aussi été le témoin d’une société individualisant les offres et traitant de façon massive chaque cas comme un cas particulier tout en développant une culture du « loisir » jusque là inégalée.

La rupture dans les codes est certes moins brutale que celle qui eut lieu à l’aube des années 70 (culture beat, pop music, mode unisexe, …) mais elle n’en est pas moins tangible et dans un univers managérial de plus en plus « participatif » (par oppositions aux organisations hiérarchiques « dures » des trente glorieuses…) cette génération adopte une posture qui remet en question les habitudes.

L’employeur doit attirer des candidats (hommes et femmes) qui ont – et c’est un paradoxe quand on considère les conditions d’accès à l’emploi souvent marquées par des statuts précaires (CDD et stage) – adopté une attitude très adulte dans leur rapport à l’entreprise. Le contrat de travail est passé entre égaux (employeur et employé), dans un rapport d’échange qui s’inscrit dans un horizon relativement court (2 ans) et où chacune des parties doit faire la preuve de son investissement personnel, et attendre un retour proportionnel à l’investissement consenti.

« L’Homme ou la Femme Y » ne conçoivent le travail que comme un moyen, socialement utile et nécessaire, de financer un style de vie personnel. L’équilibre entre vie personnelle et professionnelle est recherché par l’employé Y ; il saura s’investir dans son travail – comme ses ainés le firent – en temps et en énergie mais seulement s’il trouve dans cet investissement une satisfaction ou un intérêt personnels (sentiment de contribuer à un projet valorisant et utile, …). La génération Y personnalise son rapport à l’entreprise de la même façon qu’elle personnalise sa page Facebook ou son compte twitter.

Si chacun veut être traité différemment, il ne s’ensuit pas que cette génération Y soit plus individualiste que les précédentes ; l’homme/la femme Y entendent être reconnus et respectés spécifiquement pour leurs contributions et apports individuels. Ils entendent aussi dans le même temps être vécus comme des membres d’un collectif (d’une communauté).

La loyauté de leur engagement est totale, et empreinte d’une forme d’idéalisme. Cette loyauté n’est cependant pas aveugle et le contrat de confiance doit être régulièrement renouvelé pour retenir les collaborateurs ; une dégradation du contrat se traduit inexorablement par une remise en question du lien à l’employeur, et donc par la recherche d’un nouvel environnement avec lequel entrer en communication.

C’est tout l’enjeu d’un employeur moderne que de concilier la possibilité de paramétrer les postes et responsabilités en fonction des désidératas individuels tout en affichant un modèle de gestion, en constante évolution, qui reste cohérent et intelligible par les managers et les salariés et qui entérine cette dimension de groupe qui est aussi une aspiration de chacun des membres.

Le consultant spécialisé dans le conseil en recrutement de cadres supérieurs est un observateur privilégié de ces tendances ; dans nos différents bureaux, les personnes que nous contactons sont de plus en plus représentatives de cette génération Y et nos entretiens et échanges sont empreints de cette volonté affichée de la part de cadres en fonctions de trouver des projets professionnels permettant un épanouissement intellectuel et personnel.

Ce souci d’engagement favorise l’investissement dans des projets différents (économie sociales, humanitaire…) mais, ne nous y trompons pas, il n’est en rien la traduction d’une forme de vocation sacerdotale. La remise en question des attendus de la décision est permanente et toujours appréciée dans un rapport opportunité/performance.

Il nous appartient, comme acteur des transitions, de veiller à ce qu’on équilibre soit trouvé entre personne présentée et client pour poser les bases, sur les deux premières années d’une relation contractuelle durable car s’inscrivant dans un projet en permanente redéfinition et amélioration.

Cette « Génération Y » donne l’opportunité aux conseils en recrutement de cadres supérieurs de renouer avec leur dimension première : être le Conseiller (au sens historique du terme) entre des parties égales pour faire que se rencontrent deux volontés aux services de deux ambitions.